Le ministre de l’intérieur français, en visite à Mayotte, déclare : « Nous allons prendre une décision radicale qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle ». Autrement dit une révision de la constitution pour supprimer le droit du sol à Mayotte, c’est-à-dire sur un territoire français. Je suis tout bonnement horrifié. Et d’abord, sidéré. J’imagine que les membres du Conseil Constitutionnel ont dû bondir de leur fauteuil (étant donné leur âge moyen, j’espère qu’ils sont bien retombés, et prêts à faire annuler ce projet quand ils auront le devoir de l’examiner). Afin de dépasser la sidération, voici tout de même quelques pistes de réflexion.
1. Depuis quelque temps, Mayotte est devenue un laboratoire (néo-)colonial, pour la mise en place d’expérimentations politiques raciales radicales : les immigrants constituent les cobayes de cette expérience sinistre. On retrouve les modalités d’organisation sociales qu’on retrouvait traditionnellement dans les territoires colonisés : l’instauration d’un état d’exception permanent, lequel autorise des exemptions au droit des personnes visées. L’État affirme ses prérogatives dans l’usage exclusif et seul légitime de la violence – que ces opérations de déplacement, de harcèlement, ces chasses à l’immigrant, se fasse avec l’aval d’une partie de la population n’y change pas grand-chose. Les évènements qui se déroulent loin des regards métropolitains depuis l’été dernier alimenteront à coup sûr une des pages les plus sombres de l’histoire de France. Le gouvernement peut se pavaner en se réclamant « pays des droits de l’homme” : plus personne ne le prend au sérieux. Les politiques d’immigration, de nationalité, et plus profondément, d’altérisation (comment on fabrique un autre auquel on recourt comme un bouc émissaire), constituent désormais le cœur obsédant de l’activité gouvernementale : pour reprendre la distinction établie par David Theo Goldberg il y a une vingtaine d’années, la France est en train de basculer d’un régime racialiste (« the racial state ») à un régime tout bonnement raciste. L’expérience mahoraise est évidemment vouée à se déployer plus largement.
2. La manière dont le ministre fait connaître sa décision est tout à fait typique des gouvernances néolibérales. L’effet d’annonce, tout comme la manipulation de rhétoriques grossières, la transformation de toute pensée, de tout concept, de tout la langue politique, en purs « éléments de langage » dont seule compte l’efficacité performative, participe à cette instauration d’un nihilisme de marché : plus rien n’a de sens, la seule valeur qui tienne est celle des marchandises. Les techniques de gouvernance néolibérales jouent en permanence sur l’effet de surprise. Elles créent de l’instabilité, alimentent un flux de crises ininterrompu : à chaque jour sa crise. Il ne faut surtout pas que les esprits gouvernés (pas plus que les corps) se reposent et commencent à penser. La conversion européenne à des politiques d’apartheid et la construction de la forteresse européenne se poursuit sans qu’on ait même pu avoir le temps de leur opposer une autre vision du monde, parce que les chocs se succèdent, entraînent des réactions épidermiques, puis sidèrent. Il est faux de croire que les néolibéraux sont incohérents : ils ont réussi mieux que leurs prédécesseurs à instrumentaliser d’une part les flux d’informations et d’autres part les institutions démocratiques elles-mêmes, les transformant en techniques de gouvernance, mais les objectifs sont clairs et déterminés (la captation d’une part toujours plus importante des capitaux et des richesses pour le bénéfice des élites, la sécurisation des zones d’extraction de minerais humains et non-humains et des flux de marchandises, et la militarisation croissante des frontières externes et internes – je pense ici aux enclaves territoriales au sein même des villes, les quartiers, ou encore une île comme Mayotte – afin d’assurer la protection des intérêts des classes les plus aisées).
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@DeborahForPlus The height of white supremacy absurdity and ignorance of human rights. Texas #RacistState Texas #NaziStste and criminally #SickPuppies